Les surnoms des dieux celtes
Dans le panthéon celtique, il existe un nombre invraisemblable de surnoms pour désigner les dieux. Il s’agit sans doute d’un tabou verbal comme on peut le voir dans le culte du dieu nordique Odin. Il convient de désigner le dieu sans jamais le nommer dans ce cadre précis. Comme si l’incantation à son encontre devait être suggérée ou matérialisée de manière poétique ou en tous cas détournée. Cette application ne nous surprend pas au regard des différents travaux émis sur ce blog. Nous savons en effet que les kenningar participaient à désigner ou interpeller les forces qui régissent l’univers pour interférer de manière favorable dans la vie des hommes. Nous avons en effet observé tous les liens existants avec ces métaphores et la pratique religieuse et magique.
Aussi il est intéressant de se pencher sur le cas des dieux irlandais : on trouve ainsi pour le dieu Lug (le dieu primordial et lumineux) les qualificatifs « polytechnicien » (Samildanach en gaélique) et « au long bras » (Lamfada en gaélique) ; Lug est l’inventeur de toutes les techniques et de tous les arts, il est magicien, et comme le dieu Odin il dispose d’une lance magique ce qui lui vaut son surnom de dieu au long bras.
Pour le dieu Dagda, archétype du druide, il convient de le nommer « Rouge de la science » (Ruadh Rofhessa en gaélique) car comme tout druide de l’antiquité il revêt également un aspect guerrier symbolisé par la couleur de la caste en question : le rouge. Il est aussi désigné comme « celui qui combat par l’if, père puissant » (Eochaid Ollathir en gaélique) ; l’if étant sans doute une métaphore pour désigner l’arme du dieu, la massue. La référence à son aspect géniteur comme père puissant renvoie aussi vraisemblablement au même attribut qui selon l’endroit frappé, tue ou ressuscite. Il a donc une influence considérable sur la destinée des hommes avec ce droit de vie et de mort.
Le lien entre les hommes et les dieux s’est donc maintenu par des mots employés à dessein et remplis d’images faisant écho aux forces et aux fonctions de chacun d’eux. Il est particulièrement intéressant de constater ce point commun traversant les siècles depuis l’antiquité jusqu’au moyen-âge. Si tabou verbal il y a, il marque un profond respect des hommes et des intercesseurs pour pouvoir accéder aux bonnes faveurs de leurs dieux ancestraux.