Archive pour octobre, 2022

L’image de la grue

La grue est un oiseau aquatique dont la signification et le symbolisme dans la mythologie européenne sont tellement riches, qu’elle peut perdre le lecteur dans les méandres d’un labyrinthe.

Étymologiquement parlant, grue vient de « Gerana » en grec ancien. Gerana fut une figure importante d’un mythe oublié : elle incarnait une déesse pour les Pygmées (peuplade mythologique de taille équivalente à « une hauteur d’une coudée »). Elle fut changée en grue par la déesse Héra, jalouse de la dévotion dont elle jouissait. Mais les Pygmées, qui étaient alors en guerre contre les grues, la repoussèrent, la prenant pour un ennemi…

La « Gerana » ou la « Geranos » est aussi une danse sacrée grecque. Elle tient son origine dans le mythe de Thésée sortant du labyrinthe de Crète, construit par Dédale. Elle aurait eu pour fonction de mimer le passage dans les couloirs du labyrinthe pour en indiquer la solution. Plutarque raconte à ce sujet : « Thésée, à son retour de Crète, aborda à Délos ; après avoir sacrifié au dieu et consacré la statue d’Aphrodite qu’Ariane lui avait donnée ; il exécuta avec les jeunes gens un chœur de danse qu’on dit être encore en usage aujourd’hui chez les Déliens et dont les figures imitaient les tours et les détours du labyrinthe, sur un rythme scandé de mouvements alternatifs et circulaires. Les Déliens donnent à ce genre de danse le nom de « grue », à ce que rapporte Dicéarque. Thésée la dansa autour du Kératon, autel formé de cornes qui sont toutes des cornes gauches. »

Il existe plusieurs représentations de cette danse sacrée. L’archéologie en a exhumée une très explicite sur l’île de Paros. Un bijou en stéatite présente sur ces deux faces des images de « Geranos ». On y voit sur le recto des danseurs entourés de poissons et accompagnés d’une grue ; et sur le verso, le dessin d’un labyrinthe avec des motifs serpentant.

Les origines cycladiques de la geranos : sur un pendentif en pi Les origines cycladiques de la geranos : sur un pendentif en pi

La grue serait donc la représentation de la solution des méandres du labyrinthe. On peut imaginer qu’il puisse s’agir d’un rite dit de « passage », c’est à dire l’accomplissement d’un rituel symbolisant le changement d’état social d’un individu, à travers une épreuve. Elle incarne une transformation, puisqu’elle est, elle-même, changée en volatile par la colère de Héra. La grue est donc l’image de la transmutation, du changement d’état. D’ailleurs, on comprend bien cette portée symbolique d’un point de vue biologique. Cet oiseau a sa place dans le ciel (le monde d’en haut) mais se nourrit dans les eaux peu profondes (le monde d’en bas). Elle semble donc faire le lien entre deux mondes. Sans doute, s’agit-il là d’une expression d’un rituel lié aux changements d’état de l’homme au cours de sa vie, peut-être même au-delà de celle-ci, dans la mesure où la grue deviendrait alors l’animal psychopompe de l’antiquité.

Publié dans:Etudes, L'Antiquité |on 23 octobre, 2022 |1 Commentaire »

Ailant vers Fred |
Jamesye |
Lenversdessignesleblog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Manouch11poesies
| Envidelire
| Lettresinroses-bloglittéraire