Le sens de la boisson chez les païens
Il est frappant de constater des similitudes dans la représentation de personnages portant des boissons chez les Nordiques, Germains et Celtes.
On connaît déjà toute la magie liée à la boisson chez les vikings (voir à ce sujet les articles Les Runes et les kenningar et Le Kenning et la magie 2) ; plusieurs gravures de bijoux illustrent une femme porteuse d’une corne à boire.
Chez les Celtes de l’antiquité, on trouve le même type de représentations sur des pièces de monnaie. Sur l’une d’elles, datant du troisième siècle avant JC, appartenant au clan des Rèmes (tribu gauloise de la région de Champagne-Ardennes), on y voit une femme coiffée, portant ce qui semble être un récipient en forme de corne.
Nous avions évoqué l’image de la souveraineté celtique dans l’article. Serions-nous en présence d’un archétype de la boisson chez les païens ? Les similitudes et l’expression utilisées à plusieurs siècles d’intervalles laissent penser qu’il s’agit d’une thématique forte et tellement tenace qu’elle a dû se perpétuer dans la transmission du savoir au sein des clans païens, à l’échelle européenne.
Bien sûr, une première lecture du phénomène laissera à penser que nos ancêtres aimaient la boisson au point d’en représenter l’acte jusque sur des objets précieux. Ce serait avoir une vision réductrice du sujet et laisser de côté toute la symbolique et la poésie que l’on connaît grâce aux kenningar, entre autres.
Associons la parole à ces gravures. Que nous disent les Celtes ? « Que ce soit à toi la boisson qui coulera de la corne royale ! Elle sera hydromel, elle sera miel, elle sera forte bière ! » (propos de la reine Mebd s’adressant à Niall, extrait des Annales d’Ulster). On reconnaît le rite de la transmission de la souveraineté dont nous avons parlé plus haut.
Que nous disent les Germains et Nordiques ? « Arbre de l’assemblée des cuirasses, Je t’apporte de la bière, Mêlée de pouvoir et de renommée, Forte d’incantations puissantes, Et de runes de Joie ! « (chant de Brunehilde pour Siegfried, extrait des Nibelungen). Ici, nous avions évoqué le pouvoir magiques des runes avec une déclamation poétique, dans les articles ultérieurs référencés.
Nous avons d’un côté le contenu même de la boisson, ou en tout cas son image symbolique : la bière, l’hydromel, le miel ; et de l’autre, des notions complexes telles la magie, la royauté, la souveraineté… On peut interpréter que la boisson ainsi représentée symbolise le rite de passation (comme on se passe la corne à boire) entre postulants à l’enseignement ésotérique et/ou prétendants à la charge de souverain. Le liquide qui se transmet de main en main est le liant entre officiants ; il porte la connaissance et la sagesse requises enseignées, qui devront être absorbées symboliquement pour assumer le nouveau pouvoir ainsi acquis.