Le centre chez les Celtes (ou le nombril du monde)
La notion spatiale de centre est attestée chez les peuples celtes dans la mythologie et grâce à l’archéologie. Elle représente dans la spiritualité païenne la concentration de l’essence sacrée. De ce lieu, plus symbolique que réellement géographique, doit sortir l’axe du monde tant vénéré par les sociétés pré-chrétiennes.
La mythologie irlandaise relate un rite archaïque lors de la quatrième invasion de l’île :
« Trouvant le pays inhabité, ils [les fils de Déla] se le partagèrent en cinq parts égales, dont les bords se rencontrent à une certaine pierre dans le Meath […]. Cette pierre est appelée l’ombilic de l’Irlande, comme si elle était placée juste au centre du pays. Et c’est pourquoi cette région d’Irlande s’appelle Meath-Media, parce qu’elle est située au milieu de l’île. Les cinq frères […] partagèrent donc l’île en cinq parts, de telle sorte que chacune d’entre elles possède une petite portion du Meath, touchant la pierre dont j’ai parlé. »
Ainsi l’ombilic exprime bien le nombril du pays, c’est à dire son centre. La pierre dont il est question est sans doute érigée en un lieu propice aux réunions sacrées et ne représente pas le centre géographique du territoire ( « comme si elle était placée juste au centre du pays ») à proprement parler. Nous sommes donc face à un marqueur symbolique, gage d’harmonie et d’équilibre entre les clans.
Il est à noter que la pierre peut prendre la forme d’un arbre en tant que pilier cosmique du monde. On connaît d’ailleurs dans les traditions germaniques l’importance du frêne sacré. Les Celtes ont désignés leurs espaces sacrés (« nemetons ») dans des bosquets ou forêts primaires.
César , dans la Guerre des Gaules, indique aussi un centre, « consacré, au pays des Carnutes , et arbitrent les différends entre particuliers ou entre la soixantaine de peuples qui forment cette mosaïque bigarrée qu’est alors la Gaule ». Ce lieu décrit sans doute un des pôles sacrés des Gaulois dans la mesure où il en existait sans doute d’autres, mobiles et connectés les uns aux autres en fonction des territoires conquis par les Romains.
Le centre du (ou des) monde(s) fonctionnait symboliquement dans les sociétés païennes européennes. Son marqueur, l’arbre ou la pierre dressée, concentrait le Sacré des peuples. Charles Drekmeier insiste sur la notion religieuse commune aux Celtes :
« Ce qui fit l’unité des mondes celtiques fut plus certainement la religion qu’une forme de régulation politique, à l’instar de l’Inde ancienne.»
Le nombril du monde est donc la représentation allégorique d’un espace central et commun à toutes les communautés ethniques du territoire partagé, qui semble relier les peuples à leurs mythes fondateurs et à leurs ancêtres, comme l’ombilic relie la mère à l’enfant.