La pierre commémorative
Dans les « Dits du Très Haut » ou Havamal, qui est un codex renfermant les préceptes du dieu germano-scandinave Odin, une strophe fait état de l’importance du lignage :
« Mieux vaut avoir un fils
Même s’il naît trop tard,
Après la mort de son père;
Rarement pierre commémorative
Ne se dresse au bord du chemin
Si le parent ne l’érige au parent. »
Cette allégorie de la pierre commémorative renvoie au devoir de mémoire du clan. Comme le prétendait l’auteur Jan de Vries, la plus petite unité de la société germanique est le lignage et non l’individu. Ainsi, on prend conscience que l’individu n’a de consistance et de crédit qu’en qualité de membre d’une communauté lignagère. C’est pourquoi l’une des premières questions que les païens de l’Europe pré-chrétienne posaient à un inconnu était : « De qui es-tu le fils ? ». Sa réponse permettait de lui assigner sa place inaliénable.
La lignée père/fils dont il est question dans cette strophe, plutôt sobre dans sa forme, renvoie ainsi au culte des ancêtres. Le fil génétique devait perdurer dans les générations ; les actes des aïeux devaient résonner dans le présent des descendants. C’est donc un travail de mémoire que le clan effectuait pour entretenir la réputation d’une famille. Laver son honneur en vengeant ses parents représentait une option légale et justifiée. Les descendants ne devaient pas vivre dans la honte ou être victimes de mauvaise réputation. Le lignage demeurait donc un héritage lourd mais garantissant le rang social.