L’œuf de serpent
L’image de l’œuf originel est présente dans plusieurs traditions d’origine indo-européenne.
Dans l’Antiquité, les Orphistes (dont j’ai déjà parlé dans le blog, voir à ce sujet Un rite plurimillénaire) contestent et refusent les règles politico-religieuses de la cité grecque. Les récits de tradition orphique, dont on a trouvé des extraits sur des fragments de tablettes en os à Obia sur les bords de la mer Noire, placent à l’origine une puissance primordiale, le Temps ou la Nuit. De ces dernières vont sortir un œuf qui donnera à son tour naissance à Eros (le dieu de l’amour mais aussi le désir amoureux).
On peut imaginer que cette croyance soit un artefact de la mythologie pélasge, antérieure aux grecs, et dont le mythe rappelle sans équivoque celui des Orphistes. En effet, la grande déesse primordiale, Eurynomé créa l’Océan sur lequel elle se mit à danser. Puis à l’aide de la force du Vent du Nord (divinité) elle façonna un serpent nommé Ophion. Elle s’unit à lui puis se transforma en colombe. Elle couva alors sur les vagues l’œuf qu’elle avait pondu. Ophion s’enroula sept fois autour de cet œuf qui, en se brisant, donna naissance à tout ce qui existe.
De la même façon on trouve chez les peuples celtes une cosmogonie parallèle que les druides perpétuent à travers des rites. Pline l’Ancien témoigne de ses observations : « Il est une espèce d’œuf, oubliée par les Grecs, mais en grand renom dans les Gaules : en été, des serpents innombrables se rassemblent, enlacés et collés les uns aux autres par la bave et l’écume de leur corps ; cela s’appelle œuf de serpent. Les druides disent que cet œuf est projeté en l’air par les sifflements des reptiles et qu’il faut le recevoir dans une saie avant qu’il touche la terre. J’ai vu cet œuf : il est de la grosseur d’une pomme ronde moyenne et la coque en est cartilagineuse, avec de nombreuses cupules, comme celles des bras des poulpes. Il est célèbre chez les druides. On en loue l’effet merveilleux pour le gain des procès et l’accès auprès des rois… »
En Inde, de vieux textes en sanskrit évoquent un « cosmos en forme d’œuf ». L’étymologie du mot signifiant l’origine du cosmos (Brahmanda) peut se décomposer en deux termes sanskrits « Brahman » qui veut dire cosmos et « Anda » qui veut dire œuf.
L’image de l’œuf dans les traditions indo-européennes représente donc un archétype de la cosmogonie. Il se trouve à l’origine de la création de l’univers et dans les récits perpétuant le mythe fondateur du cosmos. Devenu symbole, il alimente les vieux mythes et les croyances populaires.