Le corbeau et la Walkyrie
Dans les plus vieilles visas (strophes poétiques) relatées des Scandinaves, on trouve celle d’Einarr Skalaglamm datant du Xème siècle. La poésie de cour dans le monde germano-scandinave païen exigeait l’usage des kenningar pour être appréciée et considérée. Voici une visa de cet auteur qui démontre des connaissances mythologiques fort précises pour raconter des hauts-faits contemporains de son époque, en l’occurrence ceux de Hakon, le roi de Norvège.
« Le Njordr qui abat les ennemis en déroute
Consulta les augures en plein champ ;
La parure de l’arbre de Hedinn apprit de la Saga du combat le jour favorable pour la bataille ;
Celui qui provoque à la bataille vit les puissants griffons des cadavres ;
Le Tyr au bouclier souhaitait détruire les vies des Goths. »
Comme d’habitude, le profane ne peut véritablement comprendre et appréhender le sens de la composition de l’auteur.
Il nous faut décrypter les métaphores pour traduire le poème en un langage plus populaire et compréhensible.
L’expression « le Njordr » désigne Hakon avec l’image du dieu Njödr. « La parure de l’arbre de Hedinn » représente aussi le roi. « La Saga du combat » fait sans doute référence à une Walkyrie. « Les puissants griffons des cadavres » est une image pour les corbeaux qui se nourrissent des morts sur les champs de bataille. « Le Tyr au bouclier » est encore une image faisant référence à un dieu du panthéon scandinave pour parler de Hakon.
On peut donc formuler le poème de cette manière :
« Le roi Hakon, qui abat les ennemis en déroute,
Consulta les augures sur le champ de bataille ;
Il apprit de la Walkyrie le jour favorable pour la bataille ;
Hakon, qui provoque la guerre, vit les corbeaux ;
Il émit le voeux de tuer tous les Goths. »
Le lien entre l’oiseau de malheur (le corbeau) et la Walkyrie n’est plus à démontrer tant les métaphores des Sagas Islandaises et toute la mythologie germanique en font état. On peut ajouter au regard de cette visa qu’elle évoque une conception des Walkyries qui ne peut qu’être antérieure à leur figuration martiale (du moyen-âge) et remonte donc à un stade de l’histoire où elles apparaissaient comme des entités purement fatidiques. Elles annoncent le jour du combat et ne viennent pas encore choisir les héros/les morts sur le champ de bataille.
