L’effet magique de la parole
Les formules poétiques que sont les kenningar ont, comme on l’a vu à plusieurs reprises dans ce blog, des vertus à connotation ésotérique ; elles entrent souvent dans un cadre que l’on suppose magique. Par le chant, la déclamation de visas (poèmes), des hurlements ou des chuchotements (dans le cadre du culte odinique), ces formules interfèrent dans la vie des hommes pour attirer des circonstances favorables pour celui qui sait les construire.
Boris Cyrulnik dans son ouvrage De Chair et d’âme, apporte un éclairage médical sur l’usage de la parole et ses vertus. Dans des expériences où les patients dépressifs ont su maîtriser l’émotion à l’aide d’un psychothérapeute en faisant des récits et en utilisant des mots appropriés en prenant une distance ont eu des transformations physiologiques de leur hippocampe.
En agissant sur la manière de voir les choses, la narration redonne cohérence au monde bouleversé, et la synaptisation est relancée. « L’effet magique de la parole s’explique par la biologie ! » annonce le médecin dans son ouvrage.
Ainsi on peut davantage appréhender la pratique mystérieuse de création des kenningar en la mettant en parallèle avec les vertus bienfaisantes sur la physiologie humaine. Dans la Saga d’Egill Skallagrimsson, Grimr déclame une visa, sans doute un chant de travail, pour encourager ses gens à se lever tôt pour travailler à la forge. En relisant les vers on peut y voire sous le nouvel éclairage du neuro-psychiatre, une formule pour atténuer la dureté du labeur et faciliter le réveil. Voir à ce sujet l’article Les kenningar dans un « chant de travail ».