Archive pour juin, 2017

Les entrelacs métaphoriques

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Dans l’article que j’ai rédigé en 2014, Les entrelacs, ornements graphiques et poétique, (accessible ici), je mettais en parallèle l’art ornemental viking avec celui des jeux métaphoriques que l’on retrouve dans les kenningar.

Les deux jeux sont contemporains et l’un illustre l’autre. C’est effectivement à la même période que l’art ornemental parvient à une nouvelle apogée chez les hommes du Nord, que naît également de leur esprit la poésie scaldique. Dans les tournures de phrases qui nous sont maintenant familières, il apparaît des images de serpents entrelacés qui surgissent de manière épisodique entre les apparitions de descriptions narratives. Ainsi la richesse des formes de la langue germanique permet de séparer les mots allant ensemble, et de les disperser dans la strophe de façon rythmée. Il en ressort une impression de rébus pour le profane, et d’illusion d’enchevêtrements.

Dans la Saga de Grettir, le héros donne l’explication de la possession d’un trésor sous la forme d’une visa :

« Visiblement c’est l’espoir d’anneaux

Qui m’a poussé dans le tertre,

Dévastateur de l’éclat de la couche ;

Les hommes sauront cela bientôt ;

Pourtant je vois que peu

D’Ullr de la bataille de Hrotti

Iront joyeux chercher

Le champ de Fafnir. »

Dans cette allocution, s’entremêlent la motivation du guerrier à la description métaphorique de l’or (avec le kenning « l’éclat de la couche »), puis de nouveau le passage narratif (« les hommes sauront cela bientôt »), avec les métaphores guerrières («  L’Ullr de la bataille » est en effet un kenning pour évoquer le guerrier) qui participent de l’épopée, aux images éclatantes avec le « champ de Fafnir » qui évoque à nouveau l’or. La redondance des images en alternance avec les passages obligés épiques des grandes Sagas Islandaises donnent un ensemble cohérent qui fait écho à l’art ornemental des mêmes auteurs.

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Publié dans:Etudes, Le Moyen-Age |on 9 juin, 2017 |1 Commentaire »

La mauvaise langue

Parmi les pratiques magiques ou ésotériques qui nous sont rapportées à travers les Sagas islandaises, il y en a une qui se désigne par la « mauvaise langue ».

Il s’agit des paroles prononcées pour porter préjudice à quelqu’un. Ce pouvoir de déclamer des mots dans un ensemble construit comme une visa (poème) ou un chant pour faire du mal, est souvent attribué aux scaldes, les poètes islandais vikings. Le terme même « skald » en vieux norrois renvoie à des connotations magiques d’après Régis Boyer. Leur fonction de maîtriser la langue et de perpétuer les traditions et la mémoire des clans et d’interférer dans les rituels, les prédisposait à faire et défaire la réputation des personnages qu’ils chantaient (d’ailleurs comme l’ont fait les bardes chez les peuples celtes). Ainsi à travers leur art, ils devenaient « maîtres de la parole infamante ». Cette pratique avait comme finalité de flétrir la réputation ou à provoquer la déchéance, voire la mort de la victime ! On trouve dans cette conception du pouvoir des mots un exemple dans une saga légendaire, la Saga de Bosa, où il est raconté que la sorcière Busla attirait le mal sur les gens, par les méfaits de la force de sa langue !

Ainsi il semble bien que la « skaedh tunga » , la langue qui fait du mal, se soit construite sur la mécanique locutive des kenningar.

Publié dans:Etudes, Le Moyen-Age |on 4 juin, 2017 |Pas de commentaires »

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