Les entrelacs métaphoriques
Dans l’article que j’ai rédigé en 2014, Les entrelacs, ornements graphiques et poétique, (accessible ici), je mettais en parallèle l’art ornemental viking avec celui des jeux métaphoriques que l’on retrouve dans les kenningar.
Les deux jeux sont contemporains et l’un illustre l’autre. C’est effectivement à la même période que l’art ornemental parvient à une nouvelle apogée chez les hommes du Nord, que naît également de leur esprit la poésie scaldique. Dans les tournures de phrases qui nous sont maintenant familières, il apparaît des images de serpents entrelacés qui surgissent de manière épisodique entre les apparitions de descriptions narratives. Ainsi la richesse des formes de la langue germanique permet de séparer les mots allant ensemble, et de les disperser dans la strophe de façon rythmée. Il en ressort une impression de rébus pour le profane, et d’illusion d’enchevêtrements.
Dans la Saga de Grettir, le héros donne l’explication de la possession d’un trésor sous la forme d’une visa :
« Visiblement c’est l’espoir d’anneaux
Qui m’a poussé dans le tertre,
Dévastateur de l’éclat de la couche ;
Les hommes sauront cela bientôt ;
Pourtant je vois que peu
D’Ullr de la bataille de Hrotti
Iront joyeux chercher
Le champ de Fafnir. »
Dans cette allocution, s’entremêlent la motivation du guerrier à la description métaphorique de l’or (avec le kenning « l’éclat de la couche »), puis de nouveau le passage narratif (« les hommes sauront cela bientôt »), avec les métaphores guerrières (« L’Ullr de la bataille » est en effet un kenning pour évoquer le guerrier) qui participent de l’épopée, aux images éclatantes avec le « champ de Fafnir » qui évoque à nouveau l’or. La redondance des images en alternance avec les passages obligés épiques des grandes Sagas Islandaises donnent un ensemble cohérent qui fait écho à l’art ornemental des mêmes auteurs.