Les hauts-faits guerriers comme vertu
Dans la saga d’Egill Skallagrimsson, on trouve de nombreux passages héroïques. L’un d’eux est narré par le personnage principal, Egill. Il raconte ses prouesses guerrières à travers un chant où le jeu des kenningar souligne ses qualités de courage et de force.
« Tout seul je combattis contre huit
Et contre onze, deux fois,
Ainsi donnâmes cadavres au loup,
A moi seul je fus leur mort ;
Je découvris âprement par haine
Du couteau à trancher les écus ;
J’ai fait jeter l’épée
Sur le frêne d’Embla. »
Ce passage de bravoure presque obligé dans les sagas islandaises illustre la beauté et le raffinement de l’éloquence des grands guerriers du moyen-âge nordico-germanique.
« Le couteau à trancher les écus » est un kenning pour évoquer l’épée.
Pour expliquer le kenning du « frêne d’Embla », je pense qu’il faut revenir au mythe cosmogonique : les dieux germano-scandinaves créèrent le couple primordial d’humains à partir d’un frêne et d’un sarment de vigne voguant sur la mer. Ce couple sera nommé « Askr » pour le frêne et « Embla » pour la vigne. En conséquence, on peut supposer que « le frêne d’Embla » signifie l’homme, ici le guerrier.
Les hauts faits d’armes sont rapportés avec brillance et couleurs. Le jeu des métaphores illustre l’érudition des locuteurs. Les kenningar participent à réhabiliter la classe guerrière et à lui attribuer la noblesse de son rang.