Un pont entre la préhistoire et le moyen-âge
Il existe un grand nombre de gravures sur pierres en Scandinavie représentant des scènes avec des personnages, des armes, des animaux et ce qui semble être des navires. Ces pétroglyphes gravés sur une longue période comprise entre le VIème millénaire avant JC et -500 semblent faire écho à des textes issus de la cosmogonie germano-scandinave écrits au moyen-âge. En effet, il n’est pas improbable de considérer que la mythologie du Nord avec ses grandes scènes épiques aient été maintenues quasiment intactes à travers plusieurs millénaires, du fait de leur isolement géographique et ainsi perpétuées au cours des âges. Nous pouvons avec la plus grande honnêteté intellectuelle nous avancer sur ce terrain en mettant en parallèle des figures bien particulières avec un extrait d’un fameux épisode du dieu Thor. Ci-dessous vous pouvez voir une compilation de pétroglyphes (provenant de Suède essentiellement) à la thématique commune et mettant en scène un personnage aux dimensions surhumaines, semblant porter à bout de bras un bateau scandinave, que les spécialistes appellent les « bateaux à peignes » pour désigner ces représentations singulières de navires.
« Marcha Hlorridi
Empoigna la proue,
Souleva avec l’eau qu’il avait embarquée
Le cheval de la mer
A lui tout seul,
Avec rames et écopes,
Porta jusqu’à la ferme
le cochon du ressac du géant,
Passant à travers
Les crêtes boisées. »
Le texte semble décrire précisément les illustrations alors que plusieurs millénaires les séparent. Relevons au passage les kenningar :
Hlorridi est un surnom du dieu Thor et signifie « le chevaucheur bruyant »;
« le cheval de la mer » est le bateau ;
« le cochon du ressac du géant » est aussi le bateau.
Ainsi ces quelques vers issus de l’edda poétique (XIIIème siècle) avec leurs kenningar lèvent le voile sur des représentations sacrées gravées dans la pierre. Nous sommes en présence d’une thématique forte pour les peuples du Nord qui ont su transmettre l’essentiel de leur mythologie par voie orale pendant plusieurs millénaires. Forte, effectivement puisque ressortie intacte sous la plume d’un auteur islandais après l’avènement du christianisme en Europe du nord. Les kenningar renforcent l’idée de sacralité de l’épisode. La forme des vers très courte et dans leur langue originelle très rythmée corrobore l’hypothèse d ’un chant ancestral.