Archive pour décembre, 2016

Le verbe pour perpétuer la mémoire

entrelacs

La parole publique chez les peuples païens européens est nécessaire pour conserver la mémoire collective. On le sait la louange ou la satire est omniprésente dans les sociétés pré-chrétiennes. Rappelons que les sociétés celtiques de l’antiquité connaissaient les mêmes codes sociaux et les mêmes craintes (cf à ce sujet les articles précédents : La Satire dans l’antiquité, De l’éloquence, Le lien historique entre poète et guerrier ) que les sociétés vikings. Les membres du clan se répétaient par les chants les haut-faits d’un guerrier, d’un chef de clan, ou au contraire condamnaient sa couardise. De leurs vivants les hommes qui étaient loués ou au contraire susceptibles d’être moqués publiquement attachaient énormément d’importance à l’image qu’ils véhiculaient et veillaient coûte que coûte à s’assurer une renommée digne. Tant la peur d’être abaissé, diminué, rongeait ces hommes, tant ils chérissaient la grandeur, présente et à venir. D’autres fois, c’est l’amour immodéré des titres et préséances, l’attention portée à la place où l’on vous faisait asseoir au banquet, à la façon dont on vous traitait. Car la seule arme vraiment mortelle que connaissait cette société, c’est la critique, la moquerie, la satire. La parole qui blesse, et qui finit par tuer socialement l’individu. Les lois elles-mêmes y veillaient avec attention.

En se penchant sur l’appareil de justice qui avait cour chez les vikings on se rend compte de son importance. Il tenait une telle place dans la vie des hommes, que tout était codifié, rien n’étant laissé au hasard : il fallait en effet contraindre l’ensemble de fortes individualités que représente une collectivité nordique à se plier à la loi, à entrer dans un consensus d’intérêts communs. Le but consistait à amener l’individu à reconnaître qu’il avait erré ou transgressé. Mais cette reconnaissance posait des problèmes. D’où, paradoxalement, le recours ultime et si fréquent à la force : on renverse un tribunal, et l’on voit, comme dans la Saga de Njall le brûlé, d’interminables et subtiles palabres se conclure par un affrontement physique !

Il faut mourir grand, la renommée dépasse toute autre valeur. Comme le dit en substance un grand bondi islandais condamné, à juste titre, par un évêque et qui refuse de plier : « c’est de moi-même que je prendrai la loi ! ».

Même la parole du dieu Odin le rappelle de manière très explicite dans le Havamal (strophes 76-77) :

« Meurent les biens, meurent les parents,

Et toi, tu mourras de même ;

Mais la réputation jamais ne meurt.

Celle que bonne l’on s’est acquise.

Meurent les biens, meurent les parents,

Et toi, tu mourras de même,

Mais je sais une chose qui jamais ne meurt :

Le jugement porté sur chaque mort »

Dans ces conditions, on comprend davantage les sociétés païennes et leur usage subtil des métaphores pour davantage magnifier les hommes et donner du sens sacré à leurs paroles.

Publié dans:Etudes, L'Antiquité, Le Haut Moyen-Age, Le Moyen-Age |on 24 décembre, 2016 |3 Commentaires »

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