De la poésie scaldique
La poésie des scaldes, les poètes islandais du Moyen-Âge, représente un joyau de l’art oratoire des vikings. Etait-elle volontairement hermétique ? La question est de savoir si sa haute élaboration artistique était faite pour créer une reconnaissance du public par l’admiration ou si son vocable ésotérique avait pour fin de délivrer un message caché. En lisant le spécialiste français des religions et moeurs scandinaves du moyen-âge, Régis Boyer, il paraît évident que les scaldes représentaient une caste. Elle agissait vraisemblablement comme une confrérie placée sous les auspices du dieu de l’éloquence et de la poésie : Odin. Cette société élitiste au sein de la société nordique médiévale utilisait le double langage.
Les potentialités de l’art scaldique sont quasiment illimitées. La créativité des kenningar génère une association d’images et de sens multiples. Régis Boyer nous livre d’ailleurs à cet égard que la dislocation de la grammaire permet » toutes sortes d’insinuations parallèles qui dédoublaient le discours, lequel, en quelque sorte, fonctionnait sur divers plans en interférence. »
Il semble probable que les poèmes élaborés par les scaldes devaient être chantés. Le culte odinique intègre le chant comme on l’a déjà vu dans des articles précédents (voir à ce propos De l’utilisation du chant dans la vie des anciens Germains, Le lien historique entre poète et guerrier, Une autre explication du caractère sacré du kenning, Les kenningar dans un « chant de travail », Les kenningar et le chant, …). Aussi, la perpétuation du poème grâce au chant est sans doute une des clefs de sa conservation jusqu’à la fin du Moyen-Âge. Le chant a l’avantage de représenter un moyen mnémotechnique des poèmes. De la même manière que les Celtes dans l’antiquité avaient leurs bardes pour perpétuer leurs hauts faits ou leur mythologie, les scaldes étaient les garants de la mémoire collective et du symbolisme religieux.