Archive pour octobre, 2016

L’ivresse, un exploit des sociétés païennes européennes

Chez les vikings, il est considéré comme un grand exploit que de boire démesurément. Dans la Saga d’Egill Skallagrimsson, le héros engloutit une corne à boire d’un seul élan, « cul sec » comme on pourrait le dire aujourd’hui. Il déclame alors un « poème » ou un chant truffé de kenningar, comme une ode à l’ivresse :

 » Vidons chaque corne, même si
Le cavalier du cheval d’Ekkill
Porte le breuvage de la corne
Sans arrêt à l’Ullr de la poésie ;
Je ne laisserai rien dans la corne
De l’étang du malt
Même si le meneur du jeu de Laufi
Me porte la corne jusqu’au matin. »

Expliquons la strophe afin de mieux comprendre sa teneur poétique. « Ekkil » est un roi de mer chez les Scandinaves ; son « cheval » est le bateau ; son « cavalier » est l’homme c’est à dire ici le marin ; le « breuvage de la corne » est la bière ; Ullr est un dieu et l’expression « l’Ullr de la poésie » est le héros Egill Skallagrimsson ; « l’étang du malt » représente évidemment la bière ; « Laufi » est un synonyme pour l’épée ; « le jeu de Laufi » est donc le « jeu de l’épée » , c’est à dire la bataille.

Voici donc l’écriture intelligible du chant d’Egill :

 » Vidons chaque corne, même si
Le marin du bateau d’Ekkil
Porte la bière
Sans arrêt au poète que je suis ;
Je ne laisserai rien dans la corne
De bière
Même si le meneur de la bataille
Me porte la corne jusqu’au matin. »

Magie des métaphores et des images travaillées évoquent l’ivresse dans un banquet de guerriers.

Publié dans:Etudes, Le Moyen-Age |on 29 octobre, 2016 |Pas de commentaires »

L’image de la farine

Il est une expression utilisée de nos jours quand quelqu’un se fait léser ou abuser par un stratagème : « rouler dans la farine« .

La farine depuis la plus haute antiquité est toujours en rapport avec l’idée de ruse et d’intelligence. Elle est mentionnée dans une des œuvres du poète grec Oppien (IIème siècle avant JC) où il vante les qualités du « pêcheur accompli » par un épithète (paipale) signifiant « fleur de farine » pour le mot polupaipalos, qui signifie « plein de finesse ».

Aristophane, 300 ans plus tôt évoquait déjà ce terme dans une métaphore pour les êtres rusés, subtils et fins. A cet égard, il semble opportun de développer une notion pré-socratique de l’intelligence et de la ruse ; celle de la mètis. Dans l’ouvrage remarquable de Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne (Les ruses de l’intelligence – la mètis des Grecs), on en trouve une définition qui rejoint l’image de la farine poétique. La mètis s’exerçait sur des plans très différents mais toujours à des fins pratiques : savoir-faire de l’artisan, habileté du sophiste, prudence du politique ou art du pilote dirigeant son navire. La mètis impliquait ainsi une série d’attitudes mentales combinant le flair, la sagacité, la débrouillardise… Multiple et polymorphe, elle s’appliquait à des réalités mouvantes qui ne se prêtent ni à la mesure précise ni au raisonnement rigoureux. 

Ainsi l’expression populaire qui nous est parvenue tient peut-être son origine dans une notion de ruse beaucoup plus développée dans l’antiquité. En partant de cette hypothèse, la farine est une métaphore poétique exprimant le raffinement le plus élaboré ou la finesse d’esprit permettant d’arriver à ses fins.

Publié dans:Etudes, L'Antiquité |on 2 octobre, 2016 |2 Commentaires »

Ailant vers Fred |
Jamesye |
Lenversdessignesleblog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Manouch11poesies
| Envidelire
| Lettresinroses-bloglittéraire