L’ivresse, un exploit des sociétés païennes européennes
Chez les vikings, il est considéré comme un grand exploit que de boire démesurément. Dans la Saga d’Egill Skallagrimsson, le héros engloutit une corne à boire d’un seul élan, « cul sec » comme on pourrait le dire aujourd’hui. Il déclame alors un « poème » ou un chant truffé de kenningar, comme une ode à l’ivresse :
» Vidons chaque corne, même si
Le cavalier du cheval d’Ekkill
Porte le breuvage de la corne
Sans arrêt à l’Ullr de la poésie ;
Je ne laisserai rien dans la corne
De l’étang du malt
Même si le meneur du jeu de Laufi
Me porte la corne jusqu’au matin. »
Expliquons la strophe afin de mieux comprendre sa teneur poétique. « Ekkil » est un roi de mer chez les Scandinaves ; son « cheval » est le bateau ; son « cavalier » est l’homme c’est à dire ici le marin ; le « breuvage de la corne » est la bière ; Ullr est un dieu et l’expression « l’Ullr de la poésie » est le héros Egill Skallagrimsson ; « l’étang du malt » représente évidemment la bière ; « Laufi » est un synonyme pour l’épée ; « le jeu de Laufi » est donc le « jeu de l’épée » , c’est à dire la bataille.
Voici donc l’écriture intelligible du chant d’Egill :
» Vidons chaque corne, même si
Le marin du bateau d’Ekkil
Porte la bière
Sans arrêt au poète que je suis ;
Je ne laisserai rien dans la corne
De bière
Même si le meneur de la bataille
Me porte la corne jusqu’au matin. »
Magie des métaphores et des images travaillées évoquent l’ivresse dans un banquet de guerriers.