La lance magique
La lance a longtemps servi de support magique dans les affrontements militaires des sociétés païennes européennes. Avant d’être utilisée comme une arme, elle avait pour fonction de consacrer une bataille en s’attirant les faveurs d’Odin, dieu de la victoire chez les vikings. Sans doute originellement, le dieu Tyr était-il invoqué pour s’attribuer la réussite martiale puisque l’on connait les pratiques magiques liées à l’usage des runes et leur gravure ; et c’est bien la rune du dieu Tyr (Tiwaz) qui prenait place sur les javelots et les épées pour s’octroyer la victoire au combat. Avant chaque affrontement, la coutume voulait que l’on jette au-dessus des armées adverses le javelot en criant une formule consacrée. Cet acte relevait du rituel magico-martial et renvoyait au sacrifice du dieu Odin, auto-mutilé par l’arme de jet qui est devenue un de ses attributs majeurs.
Une gravure runique sur un javelot corrobore cet usage :
» Moi maître des runes,
Asgils fils de Muha,
Par vertu magique des runes Gebo et Ansuz
La grêle qui brise les casques
je consacre à ce javelot. »
Les formules sont toujours métaphoriques quant il s’agit de magie chez les Norrois.
Il est à noter que d’autres inscriptions ont été trouvées sur les lances germaniques et scandinaves. Citons entre autres les formules « essayeur », « chevaucheur du but », « coureur de la fin ». Autant de façons détournées (ou magiques) de demander au javelot de trouver son but.
La lance chez les sociétés celtiques de l’antiquité a sensiblement la même fonction. Le dieu Lug, dieu lumineux et omniscient, possède une lance magique qui trouve son but à chaque fois. Un des surnoms du dieu est « Lamfada », qui signifie « au long bras » en rapport à ce pouvoir. En gallois, on trouve aussi le surnom « Llew Llaw Gyffes » qui renvoie à la notion de « main adroite ». La gravure de signes ésotériques chez les Celtes est connue essentiellement sur les pierres irlandaises par les oghams. Mais il semble probable que ces traits qui s’apparentent aux runes germaniques aient été utilisés de la même manière que leurs voisins germains.
On pourra s’émerveiller des métaphores expressives pour rendre ésotérique une pratique liée aux hostilités guerrières.