Archive pour avril, 2016

De l’utilisation du chant dans la vie des anciens Germains

A la lecture des Sagas Islandaises, on ne peut qu’être frappé de l’utilisation récurrente du chant pour diffuser des événements jalonnant la vie des clans.

Dans La Saga de Snorri le godi, un personnage nommé Thorarinn rapporte des nouvelles de son clan  auprès d’un parent par une série de chants résumant les faits marquants. Il semble que ce procédé soit l’oeuvre de ce que les Celtes auraient qualifié de barde, en tous cas de personnage qualifié pour l’art oratoire et possédant le pouvoir de glorifier les illustres chefs de famille ou de les déshonorer par la satyre. On peut se reporter à l’article complémentaire du blog Le lien historique entre poète et guerrier, ici.

Thorarinn déclame en chantant plusieurs réponses aux interrogations inquiètes de son parent Arnkell :

 » Il était à craindre

Qu’il fallût envisager

Une bataille chez moi.

Les épées allaient rageant

Par-dessus les hommes,

Quand la lance mordit le bouclier

Lors de notre rencontre ;

Les épées fendirent les écus. « 

Il est à souligner au delà des figures métaphoriques que l’on connaît déjà (l’expression  » mordre le bouclier « , les épées vivantes qui  » allaient rageant « ), la résignation de Thorarinn dans sa décision, à contre-coeur vraisemblablement, de faire la guerre. Cela démontre que la déclaration de guerre était chose sérieuse et qu’il était important de privilégier la paix entre les familles par des tractations qu’elles avaient l’occasion de plaider aux grandes assemblées juridiques (les fameux Thing). D’ailleurs, il est intéressant à cet égard de citer le proverbe danois (daté de 1757) qui correspond parfaitement à la mentalité de Thorarinn d’éviter la guerre quand cela est encore possible : » les plus braves conseillent le moins la guerre « .

Thorarinn poursuit ainsi :

 » Jusqu’à présent

On me disait paisible ;

Je dissuadais

De faire la guerre ;

Souvent pluie battante

Sort de ciel étouffant ;

Que la maîtresse de maison

Apprenne à présent mes paroles. « 

Effectivement, la résolution de Thorarinn a été lourde à prendre mais est complètement assumée. L’image de la pluie battante qui sort du ciel étouffant illustre l’issue inexorable de la décision et la justifie par une conséquence naturelle des événements. Le sens de ce kenning fait écho à un genre de proverbe, à la manière d’une fatalité. Ces images chantées en se diffusant de famille en famille devaient ainsi constitué la mémoire de tout un peuple.

Publié dans:Etudes |on 23 avril, 2016 |Pas de commentaires »

Les signes héroïques

crane

Partant d’une étude comparative réalisée sur les héros germaniques, nordiques et celtiques par Dumézil dans son ouvrage Heur et malheur du guerrier, il est intéressant de relever plusieurs traits communs caractéristiques.

Les Celtes continentaux de l’antiquité ont gravé sur certaines monnaies des personnages dont une émanation en forme de clou leur sort du front. Ce détail pris uniquement dans une période et une zone géographique est assez pauvre de sens. Nous ne disposons d’aucune source contemporaine pouvant expliquer ou au moins relater le fait dans une histoire, un mythe ou un rite. Grâce à l’étude comparative il devient possible d’établir des hypothèses de travail en établissant des ponts entre les zones géographiques de même culture, ou entre des périodes proches ou consécutives dans l’histoire des peuples pré-chrétiens.

En Irlande, le héros païen Cuchulainn a survécu grâce aux manuscrits des clercs du Haut Moyen-âge qui ont couché sur papier la mémoire de tout un peuple. Relevons le fait qui nous intéresse après son premier combat dans le récit des Macgnimrada :

un signe démonstratif de sa victoire apparaît  » s’élevant du sommet de son crâne  » .  » La lune de héros sortit de son front, aussi longue, aussi épaisse, que la pierre à aiguiser d’un guerrier, aussi longue que le nez. »

Cette description n’est pas sans rappeler les gravures gauloises mentionnées plus haut.

En observant du côté des Germains et des Norrois, un épisode fameux opposant le dieu Thor au géant Hrungnir fait écho à la singularité observée chez les héros celtiques. En effet, après ce duel, Thor porte dans sa tête le morceau de la pierre à aiguiser, arme du géant, qui était venu s’y fixer. Il y a donc un rapprochement évident avec le récit et les gravures celtes. Ces ressemblances s’inscrivent dans une histoire originelle commune où la pierre à aiguiser fichée dans le crâne du héros peut s’interpréter de plusieurs manières :

comme le stigmate de vaillance ou de bravoure guerrière ;

comme le témoignage d’un combat épique caractérisant le héros ;

comme le signe corporel d’un rite initiatique guerrier ;

comme le passage d’un outil chirurgical destiné à la trépanation comme cela semble avoir été le cas chez les peuplades mentionnées, d’après les découvertes archéologiques réalisées en Suisse, en Autriche et en Allemagne pour des raisons thérapeutiques mystiques ou dans un rite d’initiation qui nous échappent.

La pierre à aiguiser dans le front du guerrier est un kenning dont le sens n’a pas encore été trouvé mais qui est fondamentalement attaché au mythe guerrier et héroïque.

 

 

 

 

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