Archive pour février, 2016

Le Langage des oiseaux

La langue dite des « oiseaux » revient dans plusieurs traditions archaïques européennes, notamment latine, celtique et germanique. Elle apparaît comme un langage mystérieux : cette désignation est évidemment symbolique. En effet, l’importance attribuée à la connaissance de ce langage, semble être le préambule à une haute initiation.

Elle est mentionnée dans les Nibelungen, où le héros Siegfried acquiert la compréhension du langage des oiseaux après avoir tué le dragon (dont le sang est sensé lui apporter l’immortalité). Il semble donc que la quête de l’immortalité permette la communication avec les états supérieurs de l’être, que symbolisent les oiseaux.

De cette croyance, il en résulte plusieurs traces qui s’étalent de l’Antiquité jusqu’au Moyen-Âge. Citons à ce propos l’appellation de la poésie par les Grecs au Vème siècle avant JC comme « langue des Dieux » ; désignation équivalente que l’on trouvera curieusement chez les vikings du Xème siècle, avec l’apparition des kenningar. Cette particularité a donc essaimé à travers les âges dans toute l’Europe, et relève du domaine de la tradition. Le langage symbolique est donc bien issu d’une tradition sacrée, et sa désignation populaire de « langue des oiseaux » a perduré jusqu’à nous sans nous donner pour autant accès à l’initiation qu’elle véhiculait. C’est en creusant dans différentes traditions que l’on arrive à reconstituer le puzzle ; les kenningar participent pleinement à ce mystère.

Publié dans:Etudes, L'Antiquité, Le Moyen-Age |on 23 février, 2016 |Pas de commentaires »

Le symbole du chien

Le symbolisme du chien dans les traditions populaires et la mythologie est intéressant à plusieurs égards. Il nous renseigne sur l’importance de sa fonction et son rôle dans les sociétés archaïques.

Dans le folklore germanique, le chien renvoie à l’image du dieu Odhin. Dans le pays de Bade, à l’époque de Noël, on prépare d’ailleurs des petits pains représentant des chiens singuliers : ils n’ont que trois pattes, comme le chien de la Wilde Jagd (chasse sauvage). Disposés dans la maison ou jetés dans le foyer, ces Hundchen protègent de la foudre et de la tempête. Il n’est pas difficile d’y retrouver d’anciennes offrandes aux compagnons de « Hakelberg », une évolution du dieu Odin, d’après Otto Hofler.

« Chez les Germains, surenchérit Alexandre H. Krappe, les chiens seuls voyaient Hel, déesse de la mort, quand elle parcourait le pays». C’est d’ailleurs un chien, nommé Garm, qui garde l’entrée du Niflheim, royaume des morts, des glaces et des ténèbres. Dans la Grimnismàl, poème eddique, seuls les chiens reconnaissent Odhinn lorsqu’il fait son apparition à la cour du roi Geirrod, déguisé en mendiant.

Le kenning associé au chien que l’on trouve dans la littérature viking est « le chien du heaume » : il représente l’arme de guerre qui entre dans la chair. Dans le Darradarljod, poème transmis par Snorri Sturlusson, on rencontre cette métaphore quand Dorrudr a une vision sur le dénouement d’une bataille :

 » Les lances se dardent, les écus se brisent. Le chien du heaume va trouver son gîte. »

Dans le monde celtique le chien, associé au monde des guerriers, est particulièrement à l’honneur. Cependant, il prend parfois une couleur maléfique. En Bretagne, le chien noir des Monts d’Arrée représente les damnés. «De nos jours encore, ajoute Jan de Vries dans La religion des Celtes, dans les superstitions irlandaises, le chien passe pour être un démon, voire un dévoreur de cadavres. »

Rappelons ici la geste du héros insulaire celtique. Il prend le nom de Cúchulainn, c’est-à-dire le « Chien de Culann », par son grand-père et tuteur le druide Cathbad, quand il tue, à l’âge de cinq ans, le chien de garde du forgeron Culann. Cet événement est l’acte fondateur du héros et renvoit sans doute à un parcours initiatique. De l’animal, il gardera la férocité au combat et l’aspect effrayant.

Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des symboles nous disent à propos du chien : « il n’est sans doute pas une mythologie qui n’ait associé le chien au monde du dessous, à la mort, aux Enfers, aux empires invisibles que régissent les divinités chtoniennes ou séléniques… La première fonction mythique du chien est celle de psychopompe, guide de l’homme dans la nuit de la mort, après avoir été son compagnon dans le jour de la vie. D’Anubis à Cerbère, par Thot, Hécate, Hermès, il a prêté son visage à tous les grands guides des âmes, à tous les jalons de notre histoire culturelle occidentale… Ce rôle joué par le chien n’est pas accidentel. Dans l’Europe antique, une fonction funéraire lui est constamment dévolue.»

Le chien incarne dans les vieilles sociétés européennes, le compagnon porteur de mort ; il fait passer l’âme du trépassé dans le monde des morts. Il peut aussi représenter les vertus de courage et de férocité quand il est associé au compagnonnage guerrier.

Publié dans:Etudes, L'Antiquité, Le Haut Moyen-Age, Le Moyen-Age |on 9 février, 2016 |1 Commentaire »

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