Le lien historique entre poète et guerrier
Il est toujours frappant de trouver des témoignages historiques de chants, poèmes, ou longues tirades lyriques provenant de peuples que l’on a souvent qualifié par ignorance (ou méconnaissance) comme « barbares ».
Ainsi les gaulois, les tribus germaniques qui ont participé à la guerre des gaules, les peuplades issues des grandes invasions ou encore plus tard, les vikings, ont toujours associés leurs entreprises belliqueuses ou commerciales à la déclamation de discours élaborés glorifiant leurs ancêtres, leurs propres exploits ou leurs dieux par une caste spécialisée dans l’art oratoire.
Dans l’antiquité chez les Celtes ce sont les bardes qui accompagnent les guerriers et qui ont la charge de leurs éloges. Le grec Poseidionios décrit un passage qui révèle le lien étroit qui les unit :
» Les Celtes emmènent avec eux, quand ils vont à la guerre, des compagnons de vie qu’ils appellent commensaux. Ces derniers récitent des éloges de leurs maîtres lors de banquets où tous sont attablés mais aussi à chacun de ceux qui leur prêtent l’oreille en particulier. Ceux qui s’occupent des choses de la musique, on les appelle « bardes ». Il arrive aussi que ces poètes prononcent des éloges dans les hymnes. »
Ainsi la proximité des poètes avec les guerriers est-elle très forte depuis l’antiquité, comme l’indique le fait de partager la table des guerriers, privilège qui n’était accordé qu’aux compagnons d’armes. Les bardes étaient donc intégrés à la classe guerrière. On connait le lien religieux entre druides et bardes : ces derniers illustraient par la parole et la musique les valeurs définies par les druides. Ils dispensaient une version imagée et facilement mémorisable de la bonne parole des philosophes qui ne communiquaient qu’avec leurs pairs. Les guerriers et l’art oratoire tient donc son origine dans un fond religieux.
Ce lien qui se perpétue aux cours des siècles dans différents espaces géographiques de l’Europe païenne va se singulariser au IX è siècle avec l’apparition des scaldes islandais. Ces poètes guerriers qui font état de leur savoir sous forme de chants qu’ils composent toujours pour les mêmes raisons : glorifier leurs ancêtres, leurs propres exploits ou leurs dieux. Il arrive dans certaines sagas de constater que la magie est, elle aussi, fondamentalement rattachée à cette pratique et sans doute participait d’un rituel. Ici les deux fonctions originelles barde/guerrier se sont synthétiser en une seule caste.
Force est de reconnaître le degré de connaissances que des chefs d’expéditions pouvaient partager et proclamer dans des circonstances particulières où le sacré et le religieux représentaient la clef de compréhension de leur art.