Les kenningar au services de l’histoire
Dans la Saga de Njall le Brûlé, un passage épique décrit la résistance des hommes des fermes, paysans, pêcheurs, contre les oppresseurs issus de différents clans, au début du XIè siècle en Islande. La plupart de ces derniers sont des guerriers habitués au combat. Ils sont au nombre de trente et entourent la ferme du personnage principal, Gunnar, qui va alors se défendre héroïquement contre ses assaillants. Gunnar blessera seize hommes à lui tout seul. Cet épisode a donné lieu dans le monde germanique à maintes interprétations et adaptations littéraires.
Nous sommes en présence vraisemblablement d’un événement historique. Les poèmes truffés de kenningar qui rapportent la scène sont merveilleux et permettent de célébrer le courage des résistants. Voici le passage en question :
» Gunnar déclama alors une strophe :
Tout sorbier du jugement des lances
A son trait remarquable ;
La Saga à la coiffe
Détruit mon honneur ;
Nul chef de horde
N’a à requérir longtemps piètre chose ;
La dise de la belle farine de Fenja
N’a rien changé à ses façons de faire. «
« Le sorbier du jugement des lances » est l’homme. « La Saga à la coiffe » est une déesse qui construit l’avenir ; l’expression » la dise de la belle farine de Fenja » représente la femme Hallgerdr dont provient l’attaque. Cela signifie littérallement : la « dise », la déesse et « la belle farine de Fenja », l’or.