De la contorsion
Diogène, le philosophe grec, parle des druides dans un texte, dont voici un extrait :
« Ceux qui prétendent que la philosophie a commencé chez les barbares explique également la forme qu’elle a prise chez chacun de ses peuples. Il rapporte que les Gymnosophistes et les Druides font de la philosophie, en déclarant dans des sentences au caractère volontairement obscur qu’il faut honorer les dieux, ne rien faire de mal et s’entraîner au courage… »
Ce texte est riche d’enseignement malgré sa forme laconique. On apprend que les gymnosophistes, qui sont probablement les ancêtres des brahmanes de l’Inde, sont par leur pratique, associés à la classe sacerdotale celtique, les Druides. Ainsi pour l’auteur il apparaît naturel de les associer et les citer dans le même champ sémantique, malgré la distance qui sépare les peuples dont ils sont issus.
Les sources mythologiques irlandaises font état du héros celtique Cú Chulainn. Ce fier-à-bras est élevé par son oncle Cathbad, qui officie en tant que druide. L’histoire de Cú Chulainn est un véritable parcours initiatique où le héros acquiert le Savoir par une sorcière et devient ainsi (on le suppose) druide à son tour ; il est effectivement rapporté qu’il incarne le Savoir et que sa tête irradie la connaissance. L’histoire révèle plusieurs de ses noms initiatiques dont un qui retiendra particulièrement notre attention : « Riastharta », le contorsionné. Etrange similitude avec le parallèle que fait Diogène dans son texte, en évoquant les gymnosophistes.
Si dans les récits épiques du Haut Moyen-Age, la contorsion de Cú Chulainn est dépeinte comme une fureur déformante le rendant invincible au combat et monstrueux, une sorte de transe guerrière, il paraît tout à fait probable que l’origine de son surnom provienne d’une ascèse et que le sens du qualificatif se soit arrangé de rajouts narratifs ultérieurs par les clercs irlandais en éloignant l’idée première de la contorsion et de l’extase religieuse, pour la vulgariser dans une vision guerrière atroce. Le récit haut en couleurs du champion en pleine transformation devient alors une métaphore du guerrier méditant en s’adonnant à des postures corporelles. Les découvertes archéologiques du monde celtique et germanique présentant des personnages dans des formes inhabituelles, comme ceux de la corne de Gallehus et du chaudron de Gundestrup corroborent l’idée d’une pratique ancienne de gymnastique en lien avec une spiritualité.