Archive pour mars, 2015

Les énigmes du dieu Odin

Wodan

Dans La Saga de Hervör et du roi Heidrekr, le dieu Odin soumet à l’épreuve des énigmes le personnage principal. Odin affectionne particulièrement les joutes oratoires et le jeu des énigmes. Aussi ces questions sont autant d’obstacles pour le brave qui doit l’affronter. Elles demandent beaucoup de perspicacité et une excellente connaissance de la mythologie, car les questions s’articulent souvent autour d’épisodes épiques. Ces énigmes qui nous sont parvenues révèlent un goût prononcé chez les païens du Nord de l’Europe pour l’éloquence et l’art oratoire.

Gestumblindi qui est un Kenning pour désigner Odin et qui signifie l’hôte aveugle, interroge le roi Heidrekr :

 » Alors Gestumblindi dit :

Quel est celui-là, le grand,

Qui passe au-dessus de la terre,

Il enveloppe lac et forêt,

Il craint la tempête,

Mais pas les hommes

Et cherche querelle au soleil.

Roi Heidrekr,

Réfléchis à l’énigme. « 

Nous voici plongés dans le dédale de la pensée pré-chrétienne avec ses images de la nature et ses composantes qui animent la vie des hommes et qui interagissent avec eux. Ici le « grand » induit l’idée que nous avons à faire à une personnification de l’énigme.

Je laisse au lecteur le soin de réfléchir pour proposer une solution. Celle-ci ne demande pas de connaissances particulières en mythologie, mais plutôt une vision animée de la nature. Vous trouverez tout en-bas de l’article la bonne réponse de Heidrekr.

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 » Ton énigme est bonne, Gestumblindi, elle est devinée.

C’est le brouillard.

Il enveloppe la terre, en sorte qu’on ne voit rien à cause de lui, même pas le soleil, mais il se dissipe quand le vent se lève. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans:Etudes, Le Moyen-Age |on 22 mars, 2015 |2 Commentaires »

D’où viennent ces expressions gauloises ?

Taranis

 Les Gaulois ont peur d’une seule chose : que le ciel leur tombe sur la tête ! 

Voilà une expression répandue qui interpelle sur son sens et son origine. Qu’en est-il réellement des moeurs des celtes continentaux de l’antiquité ? Une peur si curieuse pour de farouches guerriers en serait presque absurde.

L’origine de la croyance en question remonte à un événement historique qui a été rapporté par l’un de ses protagonistes Ptolémée, l’un des généraux qui accompagnaient Alexandre le Grand lors de son expédition chez les Celtes. Les faits datent de 335 av. J.-C., aussi la mention qui y est faite des Celtes est-elle l’une des plus anciennes qui ne soient parvenues à leur sujet. Ptolémée en fit le récit dans son histoire d’Alexandre le Grand, reconnu par les jeunes extraits recopiés par Arrien et Strabon. C’est le cas du passage qui nous intéresse dont Strabon donne la version suivante :

 « Ptolémée fils de Lagos, raconte que pendant cette campagne, des Celtes établis dans la région d’Adria vinrent à la rencontre d’Alexandre pour obtenir de lui les bienfaits de relations d’amitié et d’hospitalité. Le roi les reçus chaleureusement, au cours du repas, il leur demanda ce qu’il craignait le plus persuadé qu’il dirait que c’était lui. Mais ils répondirent qu’il ne craignait personne qu’il redoutait seulement que le ciel ne tombe sur eux, mais qu’il plaçait l’amitié d’un homme tel que lui au-dessus de tout. »

La version d’Arrien dans l’ Anabase est un peu plus détaillé et certainement plus proche de l’original :

 « Les Celtes sont de grande taille et ils ont une haute opinion d’eux-mêmes. Tous venaient, à ce qu’ils dirent, avec le désir d’obtenir l’amitié d’Alexandre. À tous, Alexandre accorda sa confiance, et reçu d’eux la leur. Puis il demanda aux Celtes ce qu’ils redoutaient le plus, espérant bien que son grand nom avait pénétré dans le pays des Celtes, et plus loin encore, et qu’ils allaient lui dire que c’était lui qu’il redoutait le plus au monde. Mais la réponse des Celtes fut toute autre qu’il ne l’espérait. Établis loin d’Alexandre habitants des régions difficiles d’accès et voyant Alexandre s’élancer dans des contrées opposées, ils lui dire qu’ils redoutaient rien que de voir le ciel tomber sur eux. Ce dernier les déclara ses amis, en fit ses alliés puis les congédia, en ajoutant seulement que les Celtes étaient des vantards. »

Pour découvrir qui sont ces Celtes et pourquoi ils tiennent ces propos à Alexandre, il est nécessaire de replacer l’événement dans son contexte. Ces Celtes, précise Strabon, habitaient les environs d’Adria, petite ville d’Italie, située à l’embouchure du Pô, au bord de la mer Adriatique, à laquelle elle a donné son nom. Dans cette ancienne cité étrusque, au quatrième siècle avant J.-C., le tyran de Syracuse, Denys l’ancien, avait fondé une colonie (en réalité une garnison militaire) lui permettant de contrôler la voie commerciale en direction des Alpes de La Gaule. Très tôt, la ville était devenue la base du recrutement des mercenaires Celtes dont Denys faisait grande consommation. Elle attira ainsi de nombreux Gaulois de la Cisalpine proche mais peut-être aussi de la Gaule transalpine. Les hommes qui vont à la rencontre d’Alexandre sont certainement de ceux qui, après la chute de Denys Lejeune, se retrouvent sans employeur. Ils vont sans doute proposer leurs services à Alexandre qui s’apprête alors à engager sa conquête de l’Inde et de l’Asie centrale. Les termes mêmes employés par Ptolémée ne laissent guère de doute à ce sujet : ils sont de haute taille, imbus d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leur force physique et guerrière. La conclusion de l’entretien avec Alexandre indique même qu’ils ont obtenu ce qu’ils venaient chercher. Alexandre en fait des amis et alliés militaires ou des auxiliaires. Ces chefs de guerre gaulois ne sont certainement pas venus seuls. Ils ont été accompagnés par des individus capables de les guider à travers les Alpes juliennes, le long du Danube jusqu’à la plaine de Valachie. Ces derniers devaient servir également d’interprètes, au moins des us et coutumes grecs et peut-être de la langue. Si l’on ne peut affirmer qu’il s’agissait de druides, on peut être sûr au moins que c’était des aristocrates ayant reçu de ces derniers une solide formation. On le voit dans la réponse circonstanciée qu’ils font à Alexandre, réponse qui prouve qu’ils possèdent à la fois de solides connaissances de géographie et, comme on le verra, des idées précises sur l’univers, sa composition et sa destinée.

L’histoire a retenu de l’entrevue la répartie un peu lapidaire des Gaulois évoquant la chute du ciel. Pour en comprendre la signification exacte, il est préférable de se fier aux textes d’Arrien qui ne résument pas seulement l’original de Ptolémée mais le recopie peut-être in extenso. La réponse gauloise est plus étoffée, plus diplomatique et, en quelque sorte, à double sens. Ayant bien compris que la question d’Alexandre faisait allusion à sa force militaire, ils lui répondent très astucieusement qu’ils n’ont pas à le redouter puisque lui s’apprête à lancer son offensive dans la direction opposée. Ainsi n’ont-ils pas à le vexer frontalement, en lui répondant, comme ils le font généralement, qu’ils ne craignent aucun ennemi. Ils prennent soin néanmoins d’indiquer qu’ils habitent une région difficile d’accès, faisant certainement allusion à la Gaule intérieure protégée par les Alpes Pennines. Puis vient le temps de la deuxième réponse : ils craignent cependant que le ciel ne s’effondre sur eux. Si la première réponse est sans aucun doute celle de guerriers, ces vantards invétérés dont la réputation était déjà solidement établie dès le quatrième siècle avant J.-C., la seconde est celle de leurs guides, aristocrates, hommes politiques, voire druides qui donnent une autre dimension à la forfanterie des hommes de guerre. Ils la replacent dans un système de croyance métaphysique complexe dont la chute du ciel n’est qu’un élément, la représentation de la fin du monde. 

La peur d’un effondrement du ciel n’a rien d’une terreur primitive irraisonnée, qu’on retrouverait à la fois chez les jeunes enfants et chez les peuples non civilisés : elle appartient au contraire à un système philosophique construit sur une longue période et après de multiples ajustements pour expliquer la formation de l’univers, son évolution et la place que l’homme tient. C’est à l’exposé de ce système que l’anecdote rapportée par Ptolémée nous convie. Ptolémée lui-même, plus soucieux de la vérité historique que curieux des mœurs barbares, n’a retenu que les paroles gauloises qui semblaient donner raison au jugement porté par Alexandre sur ses interlocuteurs : les gaulois sont des hâbleurs impénitents. Il est probable si l’on en croit l’intérêt qu’il manifestera quelques années plus tard pour les brahmanes de l’Inde, que le grand conquérant avait au contraire, un esprit beaucoup plus ouvert. Il dut, au cours du long repas qu’il partage avec les Gaulois, s’entretenir de leurs croyances et de l’idée qu’il se faisait de la mort. Mais de ce colloque entre Alexandre et les sages gaulois, il n’en est rien resté. Pour restituer l’ensemble des croyances auxquelles la chute du ciel se rapportait directement, il faut faire appel à d’autres auteurs et principalement à Poséidonios d’Apamée au début du Ier siècle avant notre ère. Plus de deux siècles séparent donc les deux moments. Cette durée, même dans le cadre des doctrines que les druides contrôlaient rigoureusement, peut avoir quelque incidence sur le contenu. Mais il faut garder à l’esprit que la reconstitution d’une pensée tient toujours d’un idéal théorique qui a pu ne jamais s’incarner totalement dans une époque particulière.

Ainsi à travers une expression devenue banale et reprise par le fameux gaulois d’Uderzo, il apparaît un second sens ayant des redondances dans la cosmogonie celtique. L’image du ciel s’abattant sur les guerriers fait écho au Ragnarök germanique, où les puissances célestes et infernales s’affrontent dans un ultime combat.

 

 

Publié dans:Etudes, L'Antiquité |on 11 mars, 2015 |1 Commentaire »

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