De l’importance du monde onirique
Dans la Saga de Gisli Sursson, le personnage principal est tourmenté par des rêves. Il n’aura de cesse d’interpréter l’image d’une femme qui le lave avec du sang comme une fin imminente certaine.
Voici une visa qu’il déclame après ses visions :
» Mes rêves ne sont pas tous
De bon augure.
Je ne me sens pas lié par cela.
Une femme me ravit ma joie.
Dès que je ferme les yeux
Vaincu par le sommeil,
Elle vient à moi,
Toute dégouttante de sang humain
Et me lave dans le sang. »
Les païens européens accordaient beaucoup d’importance au rêve qui était pour eux une manifestation du monde des esprits. Une forme de vérité était alors soumise à l’interprétation des images rencontrées au cours de ce voyage onirique. En Norvège, même après la christianisation, les peuples avaient pour habitude de ne pas réveiller un dormeur en proie aux rêves et avaient fait de cette tradition un dicton populaire : « Il faut laisser jouïr le dormeur de ses rêves ».
Gisli Sursson mourra peu de temps après lors d’un combat épique, donnant raison à l’interprétation de son rêve. On peut alors comprendre la signification des images de son poème : la femme qui vient le laver avec du sang humain pourrait être une Valkyrie, celle qui choisit les morts au champ de bataille, émissaire du dieu Odin. La certitude du héros devant cette image renforce cette interprétation.