Archive pour septembre, 2014

Culte odinique, culte extatique

BersekrEchec

Odin est le dieu suprême des germains et des nordiques dans la période préchrétienne. Il représente le maître de la guerre, de la victoire, du savoir, de l’éloquence, de la magie, de la mort, de la fureur, de l’extase, des runes… Autant d’attributions qui font de lui le dieu incontournable dans le culte païen. Dans le Havamal (Les dits du Très Haut), Odin livre à travers des strophes poétiques son savoir appris à travers un parcours initiatique. Son autosacrifice qui consiste en sa propre pendaison et où on le transperce d’une lance, le plonge dans un état extatique de clairvoyance. De cette expérience il livrera des charmes sous forme de chants. En voici un qui se trouve être le onzième d’une longue énumération :

 » J’en sais un onzième :

Si je dois à la bataille

Mener mes amis de toujours

Je hurle contre ma targe

Et eux, pleins de force, s’élancent

Sains et saufs à l’assaut,

Sains et saufs en repartent ;

Sains et saufs en reviennent. « 

Ce lyrisme martial interpelle. Odin a donc le pouvoir de favoriser un état particulier aux guerriers, leur permettant de décupler leurs forces tout en garantissant leur survie au combat.

Boris Cyrulnik, professeur d’éthologie humaine à l’université du Var relate des expériences d’extase dans des situations extrêmes qui sont assez troublantes par leur ressemblance à la onzième strophe du Havamal. Dans son livre L’ensorcellement du monde, il rapporte des témoignages cliniques d’angoisse-extase :

« Un officier devait conquérir avec ses quelques hommes un champ découvert balayé par quatre mitrailleuses ennemies. Il savait qu’en donnant le signal d’avancer il déclencherait sa propre mise à mort et celle des autres. Il sentait un poids énorme sur ses épaules qui s’alourdissaient quand l’heure du signal approchait. Soudain, une joie immense l’avait envahi : »j’avais une vision quadruplée, je me rendais compte de chaque endroit d’où pouvait venir une balle, et du geste à commander pour l’éviter. Mon esprit allait dix fois plus vite et plus sûrement que d’habitude, et j’avais un sentiment de joie intense, le sentiment de me tenir au-dessus de moi-même : la guerre est le plus bel état… »

La fureur extatique est un trait du dieu Odin. Il est celui qui va déclencher l’ivresse poétique chez les scaldes (poètes islandais) ou la fureur invincible chez les guerriers. Il est l’archétype du changement d’état, un dieu chamane pour certains auteurs. Les textes qui nous sont parvenus démontrent à travers des tournures de phrases et des kenningar que les sociétés païennes accordaient une très grande importance à la révélation de l’individu en situation extrême, ou pour mieux dire à son dépassement. Il est extraordinaire de mettre des termes médicaux pour comprendre des formules poétiques.

Dans une expression latine, Adam de Brême livrera un condensé des plus précis de la nature du culte odinique : Wodan id est furor [Odin veut dire fureur].

 

 

Publié dans:Etudes, Le Haut Moyen-Age, Le Moyen-Age |on 27 septembre, 2014 |Pas de commentaires »

Lyrisme et compréhension

Cern

A l’époque où les kenningar étaient encore vivants dans les sociétés médiévales, on peut se demander comment ils étaient perçus. De toute évidence, le procédé est hermétique. La question est de savoir si sa construction complexe était destinée à impressionner un auditoire, ou s’il y avait un message ésotérique à délivrer de manière confidentielle.

Dans de nombreuses sagas vikings, on apprend que les « visas » ou poèmes déclamés en public qui contenaient des kenningar étaient compris. Parfois, l’auditoire mettait du temps à déchiffrer les images, mais il est attesté que le décryptage se révélait dans la plupart des cas rapportés. On a du mal aujourd’hui à percer ce mystère sur la réception du message par le public. S’agissait-il de gens avertis, introduit dans un ordre aristocratique particulier leur permettant d’accéder à cette connaissance ? ou bien s’agissait-il de tournures de phrases à la mode, populaires et répandues dans les clans ? Difficile et hasardeux de répondre à cela.

Une interrogation qui rejoint la précédente est de savoir comment les kenningar étaient retenus ou enseignés. Existaient-ils des moyens mnémotechniques facilitant leur transmission et leur mémoire ? Un jeu musical, un rythme particulier, une diction ? Je me propose de faire un parallèle avec la mythologie germano-scandinave qui pourrait expliquer partiellement leur enseignement.

Brunehilde, héroïne de l’épopée de Siegfried (Les Nibelungen), enseigne le savoir des runes par un chant dont voici la traduction :

«Elles sont gravées sur l’écu

Qui se trouve devant le dieu brillant,

Sur l’oreille d’Arvak

Et sur le sabot d’Alsvin

Sur la roue qui tourne

Sous le char de Rungnir

Sur les dents de Sleipnir

Et sur les chaînes du traîneau.

Sur la patte de l’ours

Et sur la langue de Bragi.

Sur la griffe du loup

Et sur le bec de l’aigle.

Sur les ailes sanglantes

Et sur la tête du pont,

Sur la paume de l’accouchée

Et sur les traces de réconfort.

Sur le verre et sur l’or,

Sur les signes tutélaires.

Dans le vin, le moût de bière

Et les lits de repos.

Sur la pointe de Gungnir

Et sur le poitrail de Grani

Sur l’ongle de la norne

Et sur le bec de la chouette.»

La connaissance des runes était réservée aux initiés. Dans les sagas islandaises, nous avons plusieurs exemples d’utilisation des signes gravés dans le bois à des fins magiques. Nous baignons donc dans un registre ésotérique. Le chant de Brunehilde est une succession de kenningar. Il apparaît donc à travers cet exemple d’enseignement que les kenningar étaient utilisés comme des cadenas d’une tradition hermétique. Le chant permettait sans doute la mémorisation du contenu. Les images transmettaient la connaissance aux initiés qui réussissaient à les décoder. Le lyrisme spirituel des sociétés préchrétiennes se révèle alors merveilleusement.

Publié dans:Etudes, Le Moyen-Age |on 20 septembre, 2014 |Pas de commentaires »

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