Les kenningar dans un « chant de travail »
Dans La Saga de Grimr le Chauve rapportée par Snorri Sturluson au XIIIè siècle, le viking Grimr compose un chant pour encourager ses hommes à travailler dans sa forge.
En voici le contenu ; j’ai ajouté les explications entre parenthèses.
« Grimr le Chauve travaillait ferme dans sa forge mais ses domestiques maugréaient, trouvant qu’il fallait se lever de bonne heure. Alors il composa cette visa :
Fort tôt faut se lever
La poutre du fer, (pour désigner un homme il est fréquent d’utiliser un kenning lié à un arbre ou un morceau de bois ; ici la poutre du fer est Grimr)
Celui qui veut exiger
Le souffle de l’avide de vent ; (le soufflet de la forge)
Je fais hurler le frappe-devant (le marteau) (« hurler » : notion de chant)
Sur l’or du possesseur de rayons (le métal en fusion)
Tandis que siffle (notion de musique)
Le soufflet affamé de vent. »
Le rythme de la strophe est comparable à celui d’un chant. La création d’un poème sans utilité pratique pour des travailleurs paraît improbable. Nous en déduisons donc qu’il s’agit d’un chant de travail. Son but est de dynamiser les hommes qui participent au dur labeur de la forge. Le fait que l’auteur rappelle en avant-propos la difficulté à se lever des domestiques, renforce l’idée que sa composition a été motivée pour encourager ses hommes.
Compris par tous les participants, ce chant suppose que les kenningar étaient communs aux hommes du clan. Le savoir n’était donc pas réservé aux nobles, ou aux propriétaires. Il y avait un système de transmission clanique.