Archive pour juin, 2014

L’ésotérisme des kenningar

Il est cohérent d’associer l’usage des kenningar à un savoir ésotérique. Les formules sont savantes et comme nous aimons à le rappeler, elles présument une connaissance inestimable de la mythologie des peuples locuteurs en Occident. Souvent élaborées et hermétiques elles nous échappent ou sont difficiles d’accès. Qu’ils soient utilisés pour louer un chef, commémorer un grand événement, ou exprimer un fait historique les kenningar sont fondés sur un savoir que les utilisateurs eux-seuls possédaient. Il est fort tentant d’y voir une origine sacrée. Les scaldes ou poètes islandais qui usaient des kenningar ont sans doute reçu une initiation particulière. Plusieurs auteurs dont Régis Boyer ont supposé que les scaldes constituaient une véritable caste.

Sur le principe même du kenningar, nous pouvons admettre que l’on avait affaire initialement à une pratique de tabou verbal. On le vérifie à chaque extrait qui nous est parvenu. Les choses et les êtres ne sont jamais nommés (cf article Le « heiti » ou synonyme). La métaphore est systématiquement employée comme si le fait d’appeler les choses et êtres par leurs noms pouvaient être interdit pour des raisons qui nous échappent certes, mais qui font écho à des pratiques ésotériques. On se rapproche donc du fait religieux. Ainsi on peut imaginer les scaldes rattachés à une confrérie sacrée, une caste à part entière.

De plus, le mot « Bragi » qui désigne le dieu de la poésie chez les Norrois trouve son origine étymologique dans l’indo-européen « brah » qui a donné « brahmane » en indien. Si effectivement il apparaît clairement un lien entre le savoir poétique et la classe sacerdotale, nous pouvons déduire que l’usage des kenningar était un fait religieux. Clamé, chanté ou murmuré ?  improvisé ou récité ? Le kenning devait être placé sous les auspices du dieu Odin :  le hurleur, le crieur des dieux, maître de l’éloquence et de l’ésotérisme.

Publié dans:Etudes |on 18 juin, 2014 |Pas de commentaires »

De l’éloquence

L’éloquence est une qualité que plusieurs auteurs antiques attribuent aux Celtes. Qu’ils soient grecs ou latins les chroniqueurs contemporains des peuplades celtiques ne comprennent pas toujours leurs mœurs. Ils nous rapportent alors leur vision souvent étriquée car mal renseignée ; leurs témoignages sont souvent réducteurs car ils s’inscrivent dans une logique propagandiste de déconsidération des peuples soumis, comme le faisait César dans la Guerre des Gaules.

Diodore de Sicile, historien et chroniqueur du Ier siècle avant J-C nous révèle que « dans la conversation, la parole des Gaulois est brève, énigmatique, procédant par allusions et sous-entendus, souvent hyperbolique, quand il s’agit de se grandir eux-mêmes et d’amoindrir les autres. Ils ont le ton menaçant, hautain, tragique, et pourtant l’esprit pénétrant et non sans aptitude pour les sciences ».

Considérer ce témoignage comme preuve irréfutable de l’existence des kenningar dans l’antiquité serait une grossière erreur. Notre devoir de chercheur est de prendre ce témoignage de la manière la plus objective qu’il soit. Nous apprenons que les Gaulois utilisaient des images pour s’exprimer. Nous ne savons rien du type d’expressions auxquelles ils avaient recours, si elles s’inscrivaient dans le cadre d’un récit épique, mythologique ou dans la louange d’un prince ou d’un héros. Nous apprenons que les figures de styles pouvaient être utilisées dans leurs conversations. S’agissaient-ils de vraies conversations ou de déclamations ? Là aussi l’approximation de Diodore de Sicile brouille les pistes. Ce que nous pouvons retenir est que les celtes continentaux, que ce sont les Gaulois du Ier siècle avant J-C, étaient éloquents et savants. L’auteur reconnaît leurs qualités pour les sciences ; il est difficile de savoir de quoi il veut parler exactement. Ces aptitudes ont-elles des liens avec leur art oratoire ? Pourquoi intègre -il cette précision au moment où il nous retranscrit la parole des Gaulois ?

La découverte du Dialogue des deux sages dans l’histoires des peuples celtes confirmera ce témoignage antérieur. Nous savons donc depuis l’antiquité que les celtes maîtrisaient les figures de style et avaient pour certains (comme les druides du Dialogue des deux sages) des connaissances inestimables en science. La science de l’antiquité est différente de la nôtre ; il faut donc comprendre par science toutes les choses qui échappaient aux classes productrices : la mythologie, la divination, la compréhension de l’univers. Cela fait écho à la classe religieuse et donc aux druides.  Nous en concluons que Diodore a été témoin d’une scène ou un officiant sacerdotal s’est exprimé et que le sens du propos lui a peut-être échappé mais qu’il a reconnu un haut degré de connaissance dans son expression.

 

Publié dans:Etudes, L'Antiquité |on 8 juin, 2014 |1 Commentaire »

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